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La phénoménographie anthropologique
21 février 2008

I. La formulation de l'objet d'étude : des

I. La formulation de l'objet d'étude : des concepts et des focales

"Dire" l'objet avant de le voir, le commencement d'une recherche

Avant même de découvrir la réalité sur laquelle il va travailler pendant souvent de longues années, le sociologue ou l’ethnologue dispose de son histoire, de ses outils scientifiques et conceptuels. Ses sentiments, ses ambitions et ses craintes orientent déjà son travail. Avant même de « voir » véritablement, le chercheur a déjà sa vision du monde, scientifique ou humaine. L’histoire de la recherche a, quoiqu’il en soit, déjà commencé.

Jeanne Favret- Saada nous livre, dès le début de son ouvrage, qu’elle dispose d’une expérience ethnographique. D’autre part, elle ne cache pas sa « culture scientifique convenable » (p 15), qui outre cette expérience de terrain comprend forcément un positionnement conceptuel. Examinant les théories de plusieurs scientifiques (folkloristes, psychiatres, journalistes…), l’auteure s’imprègne de la façon dont est traitée la question de la sorcellerie en général en Europe contemporaine. D’emblée, la chercheuse adopte un point de vue négatif par rapport à ces écrits, évoquant une certaine pauvreté quant à ce qu’ils peuvent lui apporter. «  Si la sorcellerie se réduit à cela (et l’on aura beau chercher à s’instruire dans les ouvrages des folkloristes ou dans les comptes rendus de procès relatés par la presse française depuis dix ans, on n’en apprendra pas plus), on se demande pourquoi cela intéresse tellement. » (p 16). En effet, ces documents parsèment le « futur terrain » de l’ethnologue de préjugés entendant des paysans « crédules », « arriérés », « incapables de parler », se trouvant dans un « mutisme obstiné ». Les explications d’une telle ignorance semblent dans ces textes aller de soi, tel que par exemple l’isolement géographique et culturel du Bocage normand. Á côté de cette première version scientifique, existent d’autres dires dits « populaires » qui concernent la fascination publique, quoique modérée, face aux histoires de sorciers et au fantastique que cela inspire. Face à ces deux versions auxquelles Jeanne Favret- Saada se positionne de façon critique, nous pouvons ainsi dire, que l’auteure a déjà franchi une étape importante dans son cheminement conceptuel. Le fait d’écarter en effet, ces jugements de valeurs ethnocentriques de la formulation de son objet d’étude n’est pas une entreprise anodine. Notons cependant que ces écrits font tout de même partie de ce processus même de formulation, puisque la chercheuse s’y réfère pour exprimer son choix de montrer autre chose, c'est-à-dire à ce stade de la recherche : les « pratiques de sorcellerie dans le Bocage » (p 25), et non pas des « croyances de sorcellerie ». Ainsi, en « disant » son objet avant de le « voir », la chercheuse reconnaît déjà un certain savoir –faire du côté de l’acteur. La mise à l’écart des préjugés par le chercheur lors d’une enquête en sciences sociales est un argument trivial. Déjà, Emile Durkheim parlait de prénotions, ces « fausses évidences », qu’ « il faut écarter systématiquement » (Durkheim, 2004 : p31-32). Seulement, cette mise en garde de l’un des pères fondateurs de nos disciplines concerne les catégories du sens commun, les sentiments et les croyances du chercheur. Tandis que si, au seuil de son terrain, Jeanne Favret- Saada a également ce projet de prendre distance, c’est surtout à propos du statut de scientifique qui se porte comme unique garant de l’intelligibilité, prônant positivisme et rationalité.

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