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La phénoménographie anthropologique
21 février 2008

Conclusion

Posons une dernière fois les raisons d’affranchir l’œuvre de Jeanne Favret- Saada, d’un objet de sorcellerie qui conduit fatalement l’ethnologue à une subjectivité absolue, et ce qui fait que même classique, il est un peu comme si cette ethnographie avait sa place attitrée dans les marges de la science. En partant étudier la sorcellerie dans le Bocage, cette femme a ouvert ses yeux, selon le déroulement des choses, sur ce qui est de l’ordre de la relation humaine, et cela s’entrevoit jusque dans son texte. D’autres auraient pu fournir un discours tout autre sur la sorcellerie dans le Bocage, et il n’était pas exclu que Jeanne Favret- Saada elle-même ne le fasse. C’est uniquement la « non- visibilité » des pratiques de sorcellerie qui fait penser à beaucoup de lecteurs qu’il n’aurait pu en être autrement. Nous comprenons alors que le problème n’est pas l’objet, mais bien le regard du chercheur. Alors la sorcellerie est juste un « effet de loupe » d’une appréhension de la réalité. Par exemple, si nous prenons une idée forte de l’ouvrage, énonçant qu’en sorcellerie, il n’y a pas lieu d’information puisque l’attribution de positions se joue dans l’implicite. Or, ceci n’est-il pas évident ? Tout être humain en train d’agir explicite rarement les règles présentes dans son contexte d’action, à moins que surgisse la critique. Jeanne Favret- Saada ayant saisi ce mode de l’implicite, il n’est pas rare de voir en elle d’avantage des capacités de psychanalyste qu’ethnologue. Directement, cette perception s’oppose à notre travail, puisque nous n’avons cessé de démontrer, que bien loin d’évoquer un certain sens précédent l’action, comme l’est l’inconscient, l’ethnologue se concentre sur des inter- relations situées. Ainsi, nous parlons de sorcellerie en évoquant une grammaire, parmi d’autres, dans une situation. En quelque sorte, l’objet de la sorcellerie, a amené Jeanne Favret- Saada à une appréhension du réel qui suppose de poser une pluralité de regards sur l’action des hommes, et de même, considérer que ces derniers agissent munis de multiples focales. La mise en perspective que nous avons établi avec quelques auteurs, sociologues ou ethnologues, nous a conduit à remarquer que dans l’ethnographie de Jeanne Favret- Saada, coexistaient d’une manière ou d’une autre les différents angles de vue des sciences sociales, tant du côté de la chercheuse que des enquêtés. L’ensemble de ces points de vue pluriels qui coexistent dans Les mots, la mort, les sorts, prend la mesure, avant tout, des êtres humains qui ont partagé ensemble une histoire, au long de la recherche. De là, nous reconnaissons à l’œuvre la vertu anthropologique. Il nous semble dommage que bon nombre d’ouvrages se réclamant de la même qualité, expulsent justement la dimension humaine, non seulement des acteurs, mais aussi du chercheur, dans le travail indispensable de sélection. Il est comme si l’anthropologie s’est tant tourmentées dans la crainte de rejoindre le discours de son passé (où régnait l’évolutionnisme et l’ethnocentrisme excessif), qu’elle en a omit son objet véritable.

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