Introduction

En 1977, l’ouvrage Les mots, la mort, les sorts, de Jeanne Favret-Saada bouleversait le pan méthodologique des sciences sociales. En effet, cette enquête débutée en 1969 dans le Bocage normand déplaçait la mesure de l’implication du chercheur dans l’ethnographie. Mais selon nous, les maintes exégèses établies à propos de ce travail de terrain isolent ce dernier par l’étiquette de son objet : la sorcellerie. Le but de notre réflexion consiste à faire émerger une originalité nouvelle, en prenant au sérieux l’enchaînement des étapes de la recherche que Jeanne Favret- Saada explicite dans son texte. Nous saisissons l’opportunité de cette visibilité des « coups de pinceaux » du parcours de l’auteure, pour comprendre, tel un « effet de loupe » la réalité active d’un travail ethnographique. Plus qu’un simple exercice épistémologique, nous insistons sur l’importance de reconnaître que l’histoire d’une recherche de terrain ne favorise pas uniquement la production de savoir mais en laisse également pour compte. En effet le chercheur fait des choix et sélectionne de façon plus ou moins consciente selon son filtre conceptuel et son « vécu de l’enquête ».

En suivant l’interrogation générale de la « retenue du réel » lors d’une recherche en sciences sociales et à savoir comment ceci se traduit, de la conception de l’objet jusqu’à l’écriture du texte final, nous proposons de « dédramatiser » l’œuvre de Jeanne Favret- Saada. En effet, nous faisons le pari que Les mots, la mort, les sorts porte une singularité au-delà de la détermination courante au domaine de la sorcellerie, et porte selon nous, une capacité d’enrichir la démarche scientifique de l’ethnographie.