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La phénoménographie anthropologique
9 janvier 2010

B.5. Phénoménographie et phénoménologie : quelle est la différence ?

Sur la question de la différence entre phénoménologie et phénoménographie, voici la position de Marion Vicart.

Le terme « existence » devient, par conséquent, un des piliers centraux de l’approche phénoménographique. Selon M. Merleau-Ponty (1964), l’existence définit l’être dans son rapport au monde et, ce faisant, s’associe étroitement à la notion de « comportement ». La manifestation de l’être dans sa manière ordinaire de se comporter de façon plus ou moins compétente à l’égard de ce qui l’entoure, devient un des enjeux essentiels que le phénoménographe tente d’approcher par l’observation. La démarche phénoménographique, on l’aura compris, trouve ses appuis dans la phénoménologie et s’inspire de son approche existentielle. Mais, c’est en quelque sorte un mouvement inverse qu’elle adopte par rapport à cette dernière. En effet, la phénoménographie ne vise pas à saisir le « mouvement de l’existence » (Barbaras 2007) par une démarche descendante de « mise en lumière » qui part d’une réflexion sur le « problème de l’être » dans son mode abstrait (p. 30), pour arriver à l’explication de quelques-unes de ses manifestations concrètes. Elle s’attache, au contraire, à décrire l’existence en train de se faire ou « l’acte d’exister » des êtres humains et des animaux. Arrêtons-nous un instant sur cette distinction entre phénoménologie et phénoménographie. Comme l’a décrit R. Barbaras, la tâche fondamentale de la phénoménologie est de « repenser le sens de l’être du sujet à la lumière de l’épreuve de la liberté » (p. 28). Or, cette expérience de la liberté nomme précisément l’expérience que nous sommes (l’épochè) en retrait de l’expérience que nous faisons (« l’attitude naturelle » selon Husserl). L’expérience de la liberté que se donne pour objet la phénoménologie peut encore être désignée par un « dépassement du donné sensible », un « mouvement d’arrachement ou de transcendance » de l’être par rapport à l’expérience « que nous faisons ». Autrement dit, la démarche phénoménologique consiste à partir d’elle-même pour aller vers le réel selon un « mouvement archéologique de descente au cœur de l’expérience », tandis que celui de la phénoménographie suppose un mouvement inverse, celui d’une « montée » qui partirait d’une observation et d’une description du réel pour s’atteindre elle-même, c'est-à-dire atteindre la possibilité de légitimer son propre discours. C’est un tel déplacement que le suffixe « graphie » vient explicitement affirmer. Par ailleurs, c’est aussi ce mouvement ascendant, partant au ras du réel pour prendre progressivement de l’ampleur conceptuelle qui, du reste, nous permettra de ne plus tenir pour évidentes certaines notions et d’en vérifier le bien-fondé.

En revanche, là où phénoménologie et phénoménographie se rejoignent, c’est dans la sensibilité que montre l’observateur face à ce qui apparaît devant lui : celui-ci fait preuve d’une attitude réceptive qualifiée d’« attitude d’ouverture » (Depraz 2006) face à la situation, où le sens n’est pas donné par des préjugés. Ainsi, notre démarche phénoménographique visera à décrire les hommes et les chiens tels qu’ils se présentent à nous en décalant notre regard pour lire autrement ce qui se passe dans la situation. Cela signifie que nous devons mettre en suspens les catégories et contenus pré-donnés pour observer et décrire simplement ces êtres dans leur façon de se comporter et d’apparaître à nos yeux. Dès lors, cette attitude réceptive implique de laisser ouvertes toutes les portes de l’existence des êtres, existence qui nous apparait dans sa « fraicheur native ». Concrètement, nous devrons porter une attention, qualifiée de « naïve », à ce qui advient et à la continuité de l’être « en train de se faire » de l’homme et de l’animal. Dans une situation quotidienne, il s’agira, ainsi que le préconise N. Depraz, de mettre en œuvre la possibilité de se faire surprendre par l’imprévisible et d’« ouvrir nos habitudes sédimentées à l’inattendu ».

REFERENCES
Barbaras R. , Le mouvement de l’existence, Paris, Eds de la Transparence, 2007
Depraz N., Comprendre la phénoménologie, Paris, Armand Colin, 2006
Merleau-Ponty M., Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1964

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Commentaires
Y
bonjour,<br /> <br /> « repenser le sens de l’être du sujet à la lumière de l’épreuve de la liberté » d'accord mais pour que lucidités soient équipées d'évidences où, comment monopoliser. Je vous propose alors ces quelques repères, à méditer, où l'illimité même partout n'aura mené nulle part le monopole de la considération... <br /> <br /> le monopole de la concentration, l'extrême densité de tous les composants possibles avec uniquement le vide absolu comme environnement ; le monopole du centre, partout densité extrême illimité qui contient uniquement tout le vide absolu ; le monopole de la centralisation, partout densité extrême illimité qui contient uniquement tout le vide absolu devient partout densité extrême illimité sans vide ; le monopole de la déconcentration, partout densité extrême illimité sans vide ; le monopole de la décentralisation, le vide absolu partout <br /> <br /> http://lucides.canalblog.com/ <br /> <br /> sincères salutations
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